Les jardins créoles en Guadeloupe : un modèle agroécologique ?
Les jardins créoles guadeloupéens, ces petites parcelles cultivées à haute diversité, semblent être un bon modèle agroécologique, qu’il vaudrait la peine de mieux étudier. Mais qu’en est-il vraiment ? Comment peuvent-ils être caractérisés à l’époque actuelle et quel rôle jouent-ils ?
Présentation
Le jardin créole est un mode de culture typique des Antilles françaises et des Guyanes, né du métissage entre les influences des Indiens Arawaks et Caraïbes, premiers habitants de la Guadeloupe, des colons européens et des esclaves africains. Il correspond à l’une des formes de jardin de case, existe depuis des siècles et a évolué au fil du temps, mais garde toujours en lui une notion de résistance. Il représente encore aujourd’hui un élément essentiel de la culture guadeloupéenne et de l’identité créole, bien qu’il soit actuellement perçu comme étant en régression.
Définir avec exactitude ce qu’est un jardin créole est une chose impossible, compte tenu de la forte variabilité qui se cache sous ce terme. Il semblerait néanmoins que ceux-ci constituent un bon modèle d’agroécologie, qu’il serait intéressant d’étudier plus en profondeur. Ils participent, de plus, à l’amélioration de l’autosubsistance alimentaire de la Guadeloupe.
Ce travail a pour but d’approfondir les connaissances que nous avons du jardin créole en Guadeloupe et ce, via deux approches : la réalisation d’une caractérisation du système ”jardin créole” en Guadeloupe, afin d’en fournir une première image, globale et actuelle, et l’évaluation de leur caractère agroécologique, afin de déterminer leur intérêt dans la conception d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement.
Pour atteindre ces objectifs, un travail de terrain a eu lieu durant deux mois, – de fin janvier à fin mars 2017 -, au centre Antilles-Guyane de l’INRAE, en Guadeloupe. La collecte des données a été faite via la réalisation d’entretiens semi-dirigés compréhensifs auprès de Guadeloupéens possédant des jardins créoles. Pour des raisons logistiques, et pour permettre une comparaison entre les deux îles principales de la Guadeloupe, l’échantillonnage s’est concentré sur la zone des Grands-Fonds en Grande-Terre, et sur celle du Nord Basse-Terre.
Les résultats de cette étude montrent, d’une part, l’existence d’une très grande variabilité entre les jardins créoles visités, aussi bien en matière de finalités qu’en matière d’organisation spatiale, de diversité ou encore de pratiques culturales. Toutefois, des premières tendances se dégagent de l’échantillon étudié : les jardins créoles sont destinés essentiellement à l’autoconsommation et à la vente, leur diversité est élevée, le travail est surtout manuel, les récoltes s’étalent tout le long de l’année, la fertilisation est organique et l’utilisation de pesticides relativement courante. D’autre part, les résultats prouvent également la présence de différences importantes entre les jardins de Basse-Terre et de Grande-Terre, qui peuvent être expliquées par des milieux physiques contrastés et un mode d’échantillonnage différent.
Ce travail met en avant la triple évolution actuelle du jardin créole en Guadeloupe, – jardins vivriers, jardins non vivriers, jardins-musées -, et la conservation, dans tous les jardins, de pratiques ancestrales, propres au jardin créole dit ”traditionnel”. Il souligne le caractère agroécologique des jardins visités, propose une typologie de ceux-ci sur base de leur valeur agroécologique, et met en exergue l’intérêt culturel, social et environnemental qu’ils représentent.